Le fardeau du privilège

« Vous m'avez demandée professeur ? »
McGonagall se retourna en entendant la voix d'Hermione Granger, qui venait d'entrer dans son bureau. Le professeur de métamorphose se tenait à la place exacte qu'occupait autrefois Dumbledore, dans cette même pièce, avant d'être tué par Rogue. Pourtant, alors qu'il ne s'était écoulé que deux mois depuis la dernière rencontre des deux femmes, la nouvelle directrice semblait avoir pris plusieurs années. Cela était sans doute dû à l'ascension des forces du mal, et de son incapacité à faire quoi que ce soit pour contrer cela. Après tout, le seul espoir qui avait un jour existé avait disparu, mort, ne laissant derrière lui qu'accablement et résignation.

La nouvelle directrice de Poudlard soupira, espérant enfin annoncer une bonne nouvelle à quelqu'un malgré les jours sombres.
« Miss Granger, comme vous le savez, malgré qu'il fut nommé préfet-en-chef avant sa septième année et que cela aille contre le règlement, Drago Malefoy possède encore ce rôle cette année... Marietta Edgecombe ayant achevé sa dernière année, il a fallu désigner l'homologue de monsieur Malefoy. »
La vieille femme elle-même semblait dégoûtée par le dit garçon, qui s'était imposé pour un grade important de l'école, grâce aux relations de sa famille avec le mage noir. Elle qui était pourtant habituellement si neutre dans son jugement des élèves ; cela reflétait plus encore l'horreur de ce qu'il avait fait, et ce qu'il était devenu.
Hermione quant à elle se demandait en quoi cette histoire de préfet la concernait. Après tout, bien qu'elle ait elle-même hérité du rôle de second préfet de Serpentard à son arrivée dans cette maison –une des places avait été libérée par la mort d'un des Serpentards lors de la guerre-... Elle faisait plus figuration qu'autre chose. Non ; elle ne faisait réellement que figuration.
« J'ai décidé que vous serez le second préfet-en-chef. »
L'ancienne Gryffondor regarda la directrice, interloquée. Comment était-ce possible ? Elle était une née-moldue, et une des personnes les moins respectées de l'école. De plus, elle imaginait mal Malefoy accepter cela, et elle n'était pas dupe de son influence sur les décisions des règles et choix de Poudlard. Pourtant, il semblait qu'elle pouvait réellement être la nouvelle préfète d'un simple assentiment, envers et contre tous.
« Je... Merci, professeur...
-Ne me remerciez pas Granger, car je crains que cette nomination ne soit tout autant un fardeau qu'un privilège désormais. »
Ça, la jeune fille l'avait déjà supposé. Cependant, elle en avait tant rêvé les années précédentes qu'elle ne pouvait, dans un recoin de sa tête, s'empêcher d'exulter alors que McGonagall lui tendit son nouvel insigne.
« Bien entendu, reprit le professeur, vous avez accès à la salle commune des préfets, et une des deux chambres vous y est destinée si vous le souhaitez. »
La jeune fille fronça les sourcils. Elle savait très bien ce que cela signifiait. Elle pouvait s'échapper du repaire des serpents, réussir à enfin fuir cette animosité due à son sang comme elle l'espérait depuis son arrivée là-bas. Mais Malefoy avait lui aussi accès à cet endroit ; aussi, il semblait beaucoup moins sûr qu'il n'aurait pu à premier abord. Et puis, surtout, elle ne pouvait pas abandonner les autres Gryffondor, encore moins Ginny, à leur triste sort. Mais elle eut soudainement une idée qui lui sembla purement géniale, parfaite.
« Pourrait-on loger les Gryffondor là-bas ? Comme une nouvelle maison ? Pas officiellement bien sûr, mais de temps à autres se retrouver dans cette salle ? Au moins pour ceux se trouvant à Serpentard, c'est un enfer ! »
Un sourire naquit sur le visage du professeur. Cette jeune fille était vraiment brave, alors qu'elle savait qu'une telle demande était dangereuse, en ces temps sombres. Elle aurait pu trouver cela stupide, si elle ne savait pas pertinemment que cette idée improbable n'était pas motivée par un besoin protecteur pur et bienvenu en ces temps sombres.
« Désolée miss, mais vous savez aussi bien que moi que ce n'est pas possible. Vous avez conscience que j'aime autant Gryffondor que vous, mais faire une telle chose serait bien trop provoquant...
-Oui, avoua Hermione avec un soupir, je le sais... Je vais donc me contenter de rester dans la salle commune des Serpentards. »
Alors qu'elle partait après un geste de la directrice indiquant qu'elle avait fini, cette dernière admira son courage. Elle avait connaissance de ce que la fille aux cheveux châtains subissait chaque jour, et son choix de rester soutenir ses camarades, plutôt que de pouvoir éviter un tant soit peu ce joug était remarquable. C'était en partie pour cela qu'elle avait choisi cette sorcière, étant la plus qualifiée pour ramener un peu de courage chez les élèves que le professeur chérissait tant. Elle pria silencieusement que tous les Gryffondor soient encore aussi altruistes, car c'était là une des seules chances contre les ténèbres.


Hermione traversa d'un pas vif les couloirs du château, se dirigeant vers la Grande Salle pour y prendre son déjeuner. Son insigne accroché à sa robe de sorcière, elle ne le mettait cependant pas de trop en avant, ne souhaitant pas attirer l'attention des élèves qu'elles croisaient. Depuis la montée des forces du mal et de la propagation de la pensée des puretés de sang, la plupart des sorciers s'étaient habitués à baisser simplement la tête à son approche.
D'autres, plus enjoués à l'idée que l'injustice devienne juste, grimaçaient ostensiblement en la voyant, la plupart de ces derniers étant des Serpentards. Certains ne s'étaient pas gênés d'ailleurs pour tenter de s'en prendre à elle, qui était en quelque sorte la Sang-de-Bourbe la plus connue de l'école. Mais elle ne s'était pas laissée faire, et se défendait souvent un peu trop au goût de ces serpents. Ils avaient fini par abandonner le harcèlement physique.

Alors qu'elle traversait à la hâte un couloir désert, peu avant la Grande Salle quelque chose la plaqua violemment contre le mur en pierre froid qu'elle longeait. Cela lui arracha un cri plus de surprise que de douleur. Une poigne de fer la maintenait férocement à quelques millimètres du sol. Bien que la plupart des élèves se contentaient des moqueries, elle avait désormais l'habitude des démonstrations de forces de temps à autre. Aussi, elle arriva à faire abstraction de la souffrance causée pour avoir cogné au niveau de là où les pieds de Goyle l'avaient frappée, la veille.
La prise qu'avait son agresseur sur elle la forçait à le regarder dans les yeux. Elle dut presque loucher tant ce regard métallique et haineux se trouvait proche d'elle. Depuis quand Drago recourrait à la force lui-même, et sans son fan club avec lui ?
« Ne fait pas trop la fière, Sang-de-Bourbe, simplement parce que tu as le même insigne que moi. Tu n'es rien qu'un nom, et ne te prends pas trop à ton rôle, car il ne te servira jamais. »
Malefoy semblait étrangement énervé pour une chose aussi simple, aussi la jeune fille devina immédiatement son problème. Elle fut incapable de se retenir de le provoquer.
« Le fils à papa a peur qu'une Sang Impur lui vole son rôle, faisant mieux que lui ? Dommage pour toi Malefoy, tu... »

Les doigts de celui-ci se resserrant sur sa gorge l'empêchèrent de finir sa phrase, alors que seule la fureur semblait animer le garçon. Touché.
« Ferme-là ! Faire mieux que moi ? Laisse-moi rire ! Tu as de la chance que ce ne soit qu'un titre, car sinon j'aurai facilement pu te faire déchanté en t'empêchant de l'avoir.
-Voldemort n'a donc pas voulut t'écouter ? Pauvre petit Malefoy ! »
La colère et la rancune qu'Hermione ressentait pour l'adolescent aux cheveux platine l'empêchait de se fixer une limite de provocation à ne pas dépasser. Etrangement, alors qu'elle s'attendait à se faire tuer sur place, Drago se contenta de plisser les yeux, ne laissant que deux fentes d'où perçait un gris acier qui la planta sur place comme l'aurait fait une lame.
« Ecoute-moi bien Granger. Si le Seigneur des Ténèbres n'en a rien à faire de ton rang à Poudlard, c'est simplement car il sait qu'il ne tardera pas à vous éliminer, toi et tous les Sang-de-Bourbe. Et à ta place, si je ne voulais pas mourir trop vite, je ne provoquerai pas un Malefoy. »
Il la lâcha, et partit d'une démarche souple et assurée, laissant Hermione reprendre son souffle. Qu'avait-il dit ? Voldemort avait pourtant laissé vivant tous les sangs impurs déjà vivant, malgré ses règles dignes d'une dictature. Alors pourquoi ce prétentieux avait parlé de les exterminer ?
Incapable de trouver la réponse toute seule, elle reprit son chemin en faisant bien attention aux bruits alentours, pour ne pas attirer encore une fois de quelqu'un malveillant. Elle cacha son trouble en marchant la tête baissée. Car oui, une autre question lui trotta dans la tête.
Pourquoi Drago avait-il été tellement hors de lui à cause de sa nomination en tant que préfet-en-chef ? Et pourquoi aurait-il voulu convaincre Voldemort, comme elle l'avait deviné, d'empêcher McGonagall de le faire ?